Il était une fois un roi qui avait pour loisir de camper partout où il allait. Chaque voyage vers l’un de ses royaumes était une occasion pour lui de dresser une tente afin de se reposer à la nuit tombée. Lorsque la température devenait inclémente, il se dirigeait alors vers ses terres plus au sud et profitait de la douceur nocturne de ses contrées.

Un jour, l’un de ses maréchaux-ferrants inventa une tente qui recouvrait un carrosse jusque-là utilisé pour transporter les bagages et la nourriture vers ses destinations lointaines. Il invita le roi campeur à s’y installer, lui permettant ainsi de voyager sous les intempéries sans subir les éléments.

Le roi campeur aima l’idée et ordonna qu’on construise de tels chariots pour tous les membres de sa suite. Les voyages vers les régions éloignées de son château devenaient de plus en plus agréables. Il pouvait s’arrêter à tout moment pour faire bonne chère et, peu importe que le ciel soit gris ou bleu, on pouvait se rassasier en tout confort.

Le roi campeur et sa suite, en visitant différents villages et cités au long de leur parcours, suscitaient beaucoup d’admiration. Plusieurs notables de ces localités décidèrent alors de créer des emplacements dédiés à ces visiteurs venus du lointain château royal. Ainsi, non loin des villages, on trouverait désormais des sites où le roi et sa cour pourraient monter leur camp.

Puis, plusieurs décennies plus tard, le roi mourut et ses enfants héritèrent de tous ses biens. Un nouveau roi fut couronné et, comme son père, il adorait voyager. Tous les membres de la famille royale pratiquaient la chasse et parcouraient des milliers de kilomètres chaque année pour découvrir de nouveaux endroits sur leurs terres et rencontrer les villageois.

Les carrosses que leur père utilisait étant devenus vétustes, le nouveau roi ordonna qu’on construise des véhicules plus grands et plus confortables. Et ainsi, au fil des siècles, la famille royale cessa peu à peu de parcourir ses territoires, de plus en plus morcelés. L’apparition des voitures à essence, puis des aéroplanes, changea complètement les façons de voyager pour les plus fortunés de la haute société.

Pendant ce temps, quelque part dans le monde, un inventeur ingénieux imagina une maisonnette montée sur roues dont la carcasse de bois était recouverte, non plus de toile, mais de métal. Arrimée à une voiture à essence, la petite caravane accompagnait son créateur un peu partout sur les routes. Inspiré par les aéronefs, ce nouveau véhicule pouvait servir à abriter ses occupants la nuit ou en cas d’intempéries. Plus tard, on y retrouva une cuisinière, un chauffage, une salle d’aisance et tout le nécessaire pour voyager en famille tout en retrouvant le confort de la maison sur la route.

Un nouveau roi caravanier était né. Et tandis que les tentes continuaient à gagner en popularité, les caravanes devenaient, elles aussi, plus nombreuses sur les routes. Mais elles n’étaient pas à la portée de tous, car leur prix était très élevé. Il fallait donc trouver un compromis qui permettrait aux propriétaires de voitures, de plus en plus nombreux, de pouvoir remorquer une caravane accessible à tous. Voilà qu’en combinant tente et caravane, on obtint la tente-caravane, cet hybride devenu l’un des plus grands succès du début de l’ère des loisirs. Cette invention permettait de déployer un véritable abri de toile, dont la base rigide pouvait contenir divers équipements, notamment une cuisinière. Pendant des décennies, et jusqu’à ce jour, la tente-caravane est demeurée la roulotte la plus accessible en termes de prix et de polyvalence.

Mais le roi caravanier n’en resta pas là. En combinant la camionnette à essence avec la caravane, on rendit encore plus agréable la vie en voyage. Ainsi naquit l’autocaravane, une sorte d’autocar transformé de l’intérieur pour offrir les mêmes avantages que la caravane. Le roi caravanier obtenait alors ses lettres de noblesse, et rien ne pouvait plus l’arrêter. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, les propriétaires de ces énormes véhicules pouvaient séjourner partout et profiter de sites spécialement conçus pour les accueillir avec toutes les commodités nécessaires. C’était vrai en Amérique, en Europe et même en Océanie.

Qu’elles soient métalliques, motorisées ou hybrides, les caravanes parcouraient les routes et offraient aux familles l’opportunité de profiter pleinement de leurs temps de loisir.

Et on connaît la suite…

Le nombre de véhicules récréatifs se multiplia et, ces dernières années, les camping-cars (c’est maintenant le nom qu’on leur donne) devinrent le symbole du roi campeur. Une vraie révolution. Ils sont partout, été comme hiver. Ils sont tellement nombreux, et leurs propriétaires si avides de découvertes et de voyages, que l’espace pour les accueillir vint à manquer.

En Europe, spécialement, villes et villages commencèrent à réglementer leur présence et, de fil en aiguille, certaines communes décidèrent de les interdire de séjour. Que va-t-il advenir du roi campeur ?

Au Québec, le scénario n’a pas encore atteint le niveau de crise qui se vit depuis quelques années de l’autre côté de l’océan Atlantique. Des aires dédiées, appelées ici Haltes-VR, sont aménagées pour le stationnement des camping-cars et des véhicules autonomes. Elles offrent peu ou pas de services et peuvent être publiques ou privées, gratuites ou payantes. De plus, certains stationnements commerciaux sont aussi mis à la disposition des voyageurs en VR pour des nuitées dans leurs véhicules. Toutefois, de plus en plus de voix font entendre leur mécontentement et le roi campeur commence à perdre sa crédibilité auprès des citoyens et des gestionnaires de terrains de camping.

Morale de la légende

Ainsi se termina — ou peut-être se poursuit encore — l’histoire du roi campeur.
De la simple tente dressée sous les étoiles aux palais roulants parcourant les routes, les hommes n’ont cessé de chercher le confort dans leurs voyages. Mais à trop vouloir transporter leur maison avec eux, certains en ont oublié l’esprit même du campement : la simplicité, le partage et le respect des lieux traversés.

La légende nous rappelle que voyager n’est pas seulement se déplacer ni s’installer quelque part, mais aussi apprendre à vivre en harmonie avec la nature et avec ceux qui nous accueillent et nous entourent.
Car un roi campeur ne vaut rien sans royaume, et un royaume n’existe que si chacun en prend soin.

©Camping Abordable.ca